Tête de brute
Publié le 29 Janvier 2013
Il a une tête de brute, sous les cheveux coupés ras, le nez cassé d'un jeune boxeur déjà viré pour dopage, les yeux petis et rapprochés, le front bas. Il parle avec l'accent marseillais des quartiers nord, avecle débit traînant d'un type qui a pris trop de coups dans la tête. Il porte un blouson de l'OM, et ça, pour moi, c'est rédhibitoire. Lorsqu'il est entré dans la maison,ses mains carrées aux doigts trop courts étaient enfoncées dans les poches d'un blue jean de marque, sur le carrelage blanc du salon ses chaussures de sport noires et or ont imprimé des marques boueuses. Si je le croisais seule dans un couloir de métro, je me méfierais, je serrerais mon sac contre ma hanche et je surveillerais mes arrières. Il a dit bonjour puis, sans rien demander, il s'est dirigé droit vers la chambre où ma mère gémissante vit ses derniers jours, petite chose fragile douloureuse et perdue. Maintenant je l'écoute, il lui murmure des mots doux et apaisants, s'occupe d'elle avec une touchante compassion, il la lave, il la change, il l'encourage à avaler ses médicaments et elle s'en remet à lui avec une confiance dont je ne la pensais plus capable. Dans la tronche de brute, il y a un infirmier exceptionnel.