Magie, magie !
Publié le 30 Décembre 2010
Photo publiée avec l'aimable autorisation de
Guyrault d'Alban du Creux du Sac
(à découvrir ici)
Magie, Magie
C'est l'après-midi d'un dimanche d'hiver glacial. Le soleil déjà bas sur l'horizon allonge en remord d'été des ombres trop pâles. Le jardin s'engrisaille et je suis de la même humeur que lui. C'est un temps à ne pas mettre un Thrall dehors, un temps à s'équiper d'une combinaison- pyjama en polaire pour une plongée en apnée dans un de ces vieux livres amis qui consolent et vous entraînent loin des jours trop courts.
A plat ventre sous une montagne de couette, je relis pour la centième fois, mais toujours avec le même plaisir, Le Seigneur des Anneaux, et je frissonne avec les hobbits dans leur traversée du Caradhras enneigé, mon sang refroidit comme le leur, ralentit dans mes veines, s'épaissit en gelée de framboise jusqu'à ne plus pouvoir franchir les étroitures des capillaires. Mes petons privés du fluide tiède qui se concentre dans mon ventre, bleuissent malgré les chaussettes de laine, mon nez pâlit, mes doigts gèlent et mes mains tremblent, brouillant les mots. Je laisse tomber le livre, abandonnant à regret la Communauté de l'Anneau à tous les dangers des Monts Brumeux, pour pouvoir me recroqueviller sous l'édredon et grelotter paisiblement.
A ma droite, mon tendre époux, dévore le récit d'un pirate. Dans son tee-shirt léger, il cingle vent debout vers une île des mers du Sud sous un soleil tropical, il a choisi mieux que moi son compagnon de voyage. Tout en claquant des dents, j'envie sa capacité maintenir la température de son corps au niveau d'une bouillote vivante.
Mes vibrations de frileuse se propagent au matelas, faisant faseyer les voiles de sa frégate, jusqu'à ce qu'à son tour, il sorte de son rêve et se tourne vers moi.
- Tu as encore froid ma douce ? me dit-il en glissant sa main brûlante sur ma joue glacée.
- Non, je fais juste semblant…
- Je vois, ne bouge pas, reste là au chaud, je vais mettre en route l'été.
Puis sur ces sibyllines paroles, le voilà qui se lève, demi-nu , et je regarde ses petites fesses si chaudes disparaître dans l'embrasure de la porte.
Je n'ai aucun doute, cet homme que j'aime, en qui j'ai toute confiance, cette autre moitié de moi, cette moitié pleine de courage et d'énergie, remplie de chaleur et de douceur, est capable de tout, y compris de modifier le cours du temps, et de faire venir l'été sans passer par la case printemps que je déteste.
A quelle magie se livre-t-il que je n'ose interrompre ? J'entends des bruits métalliques, des bouillonnements, des tintements, des chuintements… et le voilà qui revient, précédé d'un parfum boucané, porteur d'un plateau sur lequel fument deux mugs de thé Tarry Souchong noir et fort comme je l'aime.
Je suis un peu déçue, ce n'était pas vraiment les thés que j'attendais.
Mais, un peu plus tard, après que nous ayons vidé nos tasses, mon enchanteur a tenu sa promesse. Par ses passes magiques et quelque incantation mystérieuse chuchotée à mon oreille, il a rallumé le soleil dans mes reins, et il n'a pas fallu longtemps pour que, cet après-midi d'un dimanche d'hiver glacial devienne un soir de 14 juillet, feu d'artifice compris….